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2012-10-28
Strasbourg : des lisières étagées sous les lignes HT
Des lisières étagées sous les lignes : un cas concret en Alsace
Mi-octobre, l'équipe du projet LIFE ELIA-RTE a profité d'un séjour en France pour visiter la réserve naturelle de l'Ile du Rohrschollen à Strasbourg (http://www.rn-rohrschollen.strasbourg.eu/). Cette réserve de près de 300ha est constituée de forêts et prairies alluviales et est traversée par plusieurs lignes à haute tension parallèles.
Le site est géré par la Ville de Strasbourg qui, sous et à proximité immédiate de ces lignes à haute tension, a, avec la confiance de RTE, progressivement développé une gestion différenciée.
Jusqu'il y a une quinzaine d'années, le large couloir (près de 100 m) de mise en sécurité de ces lignes était, comme de nombreux autres, gyrobroyé tous les 2-3 ans. Cette technique radicale qui consiste à broyer toute la végétation et ce, parfois en profondeur, peut parfois s'avérer néfaste pour la biodiversité, surtout si l'opération est répétée régulièrement et dans des milieux fragiles.
Couloir de 100 m de large intégralement gyrobroyé jusqu'il y a une quinzaine d'années
Partant d'une situation désertique induite par un broyage total, les gestionnaires du site et RTE ont fait le pari de le rendre plus favorable à la biodiversité tout en limitant les interventions sur la végétation et en continuant à garantir un transport sécurisé de l'électricité.
Le dessous des lignes fait depuis lors l'objet d'une fauche annuelle tardive. Afin de limiter l'enrichissement du sol et donc le développement d'une flore nitrophile plus banale, le produit de la fauche est exporté et valorisé dans un centre de compostage proche.
De part et d'autre des lignes extérieures et entre les bandes fauchées, la végétation ligneuse spontanée a, dans un premier temps, évolué librement. Au fil des ans, les arbustes de 2ème et 3ème grandeurs ont ensuite été volontairement favorisés au détriment des arbres de première grandeur qui peuvent représenter un danger pour les lignes en cas de chute ou de contact quelconque.
Zones herbacées entre les rideaux de lisières installées au cours des 15 dernières années
Au début hésitante, la désignation des grands arbres à abattre est maintenant devenue une opération routinière annuelle menée par une équipe de forestiers de la Ville de Strasbourg qui s'est auto-formée à l'entretien de lisières étagées. De même, le repérage et l'abattage, dans les lisières internes, des tiges qui pourraient potentiellement un jour poser problème pour la sécurité des lignes sont effectués chaque année.
L'entretien de cette lisière incombe donc à la Ville de Strasbourg qui d'une part, contribue au développement de la Trame Verte et favorise la diversité et d'autre part, perçoit une rentrée financière grâce à l'exploitation périodique des gros bois situés en lisière extérieure du corridor de mise en sécurité.
Afin d'obtenir une harmonie paysagère et de rompre la rectitude des corridors, les arbustes poussant au pied des pylônes, là où les cables atteignent leur hauteur maximale, ont été laissés. Les pieds de pylônes sont donc en partie masqués mais restent complètement accessibles aux équipes techniques de RTE. Cette stratégie donne aux clairières herbacées une forme caractéristique de ballons de rugby. Cette forme non rectiligne des lisières accroit sensiblement leur valeur paysagère.
Dans les zones herbacées, les gestionnaires ont été rapidement confrontés à une colonisation effrénée du Solidage (Solidago sp), une espèce herbacée invasive originaire d'Amérique. Cette plante a une fâcheuse tendance à former des massifs de grande étendue et par son couvert dense, à limiter considérablement le développement de la flore indigène. Après plusieurs tentatives infructueuses, les gestionnaires sont néanmoins parvenus à l'éradiquer en plusieurs endroits en réalisant durant 4 ans une première fauche en début d'été (avant la floraison) et une deuxième fauche lorsque la plante a effectué des repousses. Les parties fauchées étaient ensuite exportées. Cette double fauche annuelle a fini par épuiser les plantes en épuisant les réserves accumulées dans le dispositif racinaire.
Après 15 ans de gestion, le site est maintenant composé d'une alternance de zones herbeuses fauchées et de zones arbustives qui ne présentent plus le moindre danger pour les lignes à haute tension. Une telle mosaïque d'habitats est favorable à de nombreuses espèces, notamment des papillons ou encore des oiseaux, dont par exemple la Pie-grièche écorcheur qui a retrouvé là un biotope répondant à ses exigences.
Selon les gestionnaires, ces lisières sont aujourd'hui stabilisées : le temps à consacrer à la désignation et à l'abattage des arbres dangereux est bien moindre qu'au début. Sur ce site, le travail de RTE en termes de sécurité des lignes est donc limité à un survol en hélicoptère et, en cas de doute, à un contrôle visuel directement sur place. L'abattage éventuel en résultant étant alors confié, après dialogue avec son service forestier, à la Ville de Strasbourg, gestionnaire du site.
Les lisières étagées de l'Ile du Rohschollen constituent donc une preuve supplémentaire qu'il est possible de combiner une activité humaine, de surcroît industrielle, avec la dynamisation de la biodiversité.